Au début du XXe siècle, un élément qui devait théoriquement être tenu éloigné de toute exposition humaine a fasciné et même séduit une large population. Il s’agissait du radium, un métal radioactif, initialement découvert par Marie et Pierre Curie en 1898, qui allait être utilisé dans une boisson énergisante appelée Radithor. Ce produit, loin de guérir, a pourtant causé des ravages. Retour sur une tragique histoire qui illustre l’engouement irrationnel pour les remèdes miracles de l’époque.
Quand une boisson radioactive était vendue comme un élixir de jouvence
À une époque où la radiothérapie douce était en vogue, les propriétés supposées du radium ont été mal interprétées et exploitées pour créer des produits de santé destinés à améliorer le métabolisme. La boisson Radithor, un mélange d’eau et de sels de radium-226 et radium-228, a été commercialisée comme un tonique miracle pour traiter un large éventail de maladies. Ses bienfaits, qui semblaient tout droit sortir d’une publicité extravagante, ont fait de cette boisson un produit populaire, dont l’efficacité était vantée sans preuve scientifique. Le radium, auparavant utilisé dans des traitements pour des maladies graves comme le cancer, était maintenant dilué dans des produits de consommation courante tels que des dentifrices, des crèmes, et bien sûr, le Radithor.
Le créateur de cette boisson, le charlatan William J.A. Bailey, anciennement condamné pour escroquerie, avait lancé cette potion magique dans les années 1920, allant même jusqu’à inventer une ceinture radioactive censée soigner les troubles de l’érection. Cette période de naïveté scientifique a permis à des produits comme le Radithor de prospérer sur le marché.
Un crâne qui se désagrège
L’un des plus grands défenseurs de cette boisson radioactive fut l’industriel américain Eben Byers. Après une blessure en 1928, il commença à consommer plusieurs flacons de Radithor par jour, espérant en tirer des bienfaits énergétiques. Pendant un temps, Byers se sentit mieux et recommanda le produit à ses relations. Cependant, après environ deux ans et un mille flacons consommés, ses effets secondaires dévastateurs commencèrent à se manifester.
En 1930, Byers se sentit de plus en plus affaibli, avec une perte de poids significative et des douleurs sévères. Ses dents commencèrent à tomber, et un médecin diagnostiqua une intoxication massive au radium. Les particules de radium, une fois ingérées, se déposent dans les os, où elles provoquent leur dégradation. Le processus fut implacable : ses os de la mâchoire commencèrent à se dissoudre, et progressivement, son crâne se désagrégea. La radiation du radium affecta tous ses tissus osseux, créant des trous dans son crâne. En effet, sa situation était si grave qu’il fallu l’enterrer dans un cercueil de plomb, pour éviter que les radiations ne se propagent.
Byers a ingéré un total de 36 microgrammes de radium, une quantité bien au-dessus de la dose létale. Pour référence, 2 microgrammes de radium sont suffisants pour provoquer la mort. Cette overdose de radiations a entraîné un cancer généralisé, et Eben Byers est décédé de manière tragique, son corps restant potentiellement dangereux des décennies après sa mort.
Conséquences et interdiction des produits radioactifs
L’histoire de Byers a eu des répercussions majeures sur la réglementation des produits de santé aux États-Unis. Après sa mort, la FDA (Food and Drug Administration) a pris des mesures drastiques et a définitivement banni l’utilisation de substances radioactives dans les médicaments et produits de consommation. Aujourd’hui, le radium est reconnu comme cancérigène et perturbateur endocrinien, et sa manipulation est strictement régulée.
Le cas du Radithor illustre de manière choquante l’aveuglement de certaines pratiques médicales de l’époque et la fascination excessive pour des substances potentiellement dangereuses, au détriment de la sécurité publique. Cette boisson radioactive n’a pas seulement révélé l’absurdité de certaines croyances, mais a aussi démontré à quel point une mauvaise compréhension scientifique peut mener à des conséquences dramatiques.
Dans le domaine de la santé comme du sport, il est essentiel de rester critique face aux solutions miracles et de se baser sur des preuves solides avant d’adopter des produits ou traitements non validés.